Faites de la musique, pas des centres fermés : les exactions des autorités
Belgique, Steenockerzeel, centre 127bis, le 11 mai 2011 (Centre fermé pour demandeur d'asile)
Un après-midi de concerts devant le centre fermé 127bis ? Voilà une idée forte et belle pour montrer de manière pacifique le désaccord de quelque 500 citoyens contre l’existence de ces lieux de détention. Et pourtant, le résultat est désemparant. Les détenus auraient été privés par la direction du centre de la liberté la plus fondamentale, celle de parole. Et sur le chemin vers les concerts, un jeune homme s’est fait violemment agresser par un policier suite à une altercation verbale. Son visage est détruit, il ne mangera ni ne parlera plus normalement avant des semaines… Le Steenrock a toujours été annoncé comme un après-midi pacifique et solidaire. La musique serait-elle une arme trop effrayante pour les autorités ?
Samedi 7 mai s’est donc déroulée la deuxième édition du SteenRock, festival de musique devant le centre de détention 127 bis. L’objectif de cet après-midi de concerts est triple: attirer le regard des gens, des médias et des politiques sur ces lieux que l’on voudrait nous faire oublier, offrir aux sans papiers un chant de solidarité et quelques notes d’espoir, et enfin montrer qu’une manifestation peut être ferme mais pacifique.
On aurait pu dresser un bilan positif : plus de 500 personnes, une ambiance pacifique, des émotions fortes devant les grilles, de nombreux « primo-visiteurs », des discours justes et de la musique à n’en plus finir. Seul étonnement, l’absence de détenus aux fenêtres et le calme apparent des quelques femmes dans la cour. En général, les « freedom », « help me », « it is a prison »… de détresse des prisonniers font plutôt froid dans le dos.
Vers 21h00, sur le départ, on nous fait part du jeu cynique de la direction du centre : ordre aurait en fait été donné aux détenus de ne pas s’exprimer, de se taire, en les menaçant de les enfermer en cellule d’isolement s’ils n’obéissaient pas. De plus, l’accès aux cellules donnant sur le champ et les concerts aurait été bloqué pour la journée. L’information nous revient par le cousin d’un détenu. Cela explique l’étonnement qui nous hantait et nous pousse à croire également la deuxième partie de son récit : lors des visites des parlementaires, le personnel du centre aurait bien pris soin de retirer les menottes, de cacher les « outils » tels que les gaz lacrymogènes, d’adoucir le ton envers les détenus… Bref, une triste mise en scène pour tenter de donner « une bonne image » du centre, et faire comme si tout se passait dans un climat des plus sereins ! Leur ultime liberté n’est donc plus : celle de hurler leur désarroi et dénoncer leurs conditions de détention par les fenêtres. Cela donne à réfléchir sur ce qu’il se passe réellement derrière ces barbelés.
Ce qui suit se déroule par contre en dehors du centre fermé 127 bis et témoigne d’une violence et d’un abus de pouvoir incontrôlé de la police. Vers 15h00, alors qu’il se rend au Steenrock, Ricardo fait l’objet d’un contrôle d’identité près de la gare de Nossegem qui va déraper de manière incompréhensible. A l’origine, un problème linguistique : le policier s’exprime en néerlandais, langue que le jeune homme ne maîtrise pas et celui-ci lui demande alors des « sous-titrages », remarque qui entraîne un des policiers dans une colère non maîtrisée. Il sort rapidement sa matraque et s’attaque au jeune homme avec une violence inouïe (de nombreux coups portés directement au visage). A côté de lui son collègue ne manifeste aucun geste et se contente d’observer. Les renforts arrivent finalement et Ricardo est amené aux urgences, après que la police a effectué un contrôle d’identité et acté le témoignage de Gilles, un ami de la victime qui a assisté à toute la scène. Aux urgences, Ricardo s’est vu poser une vingtaine de points de suture. De plus, il a perdu trois dents et a la mâchoire fracturée. Son immobilisation et sa rééducation vont durer plusieurs mois.
Plainte va être déposée par la victime et sa famille, appuyée par de nombreux témoignages des personnes présentes sur les lieux, qui s’interrogent sur les raisons de cette violence acharnée des forces de l'ordre, en toute impunité.
En tant qu’organisatrice du concert, la CRER soutient le jeune homme et souhaite diffuser largement ce communiqué. Le geste posé par le policier devient dans ce cadre pacifique un acte politique inacceptable et à dénoncer. Nous demandons que le responsable de la brigade de police de Zaventem prenne ses responsabilités.
L’idée du Steenrock se veut belle : montrer de manière pacifique notre désaccord total sur l’existence de ces prisons, le résultat est hélas effarant…
Merci de faire circuler un maximum cette information.
La CRER